Aline Sitoé Diatta
Kabrousse, vers 1920 — Tombouctou, 1944 • Sénégal (Casamance)

« Interprétation visuelle de Kanfura – aucune photographie authentifiée d’Aline Sitoé Diatta n’existe à ce jour. »
Figure majeure de la résistance anti-coloniale au Sénégal, Aline Sitoé Diatta incarne une force féminine enracinée, où spiritualité, dignité et lien au vivant se répondent.
✧ La jeune femme de Kabrousse
Au sud du Sénégal, dans la terre rouge et féconde de Casamance, naît une fille nommée Aline Sitoé Diatta. Son enfance est bercée par la voix de l’océan et la sagesse du peuple Diola, pour qui la nature est vivante et la femme gardienne du sacré. Orpheline très tôt, elle grandit entre Kabrousse et Ziguinchor, part un temps à Dakar, puis revient dans son village natal. Elle n’a pas reçu l’instruction des colons, mais celle du silence, des saisons et de la foi.
✧ Une voix contre la faim et la soumission
Dans les années 1940, la Casamance ploie sous les réquisitions coloniales : riz, bétail et semences sont saisis pour nourrir la guerre en Europe. La terre s’épuise, les familles aussi. Aline affirme recevoir un appel intérieur qui l’investit d’une mission : défendre la dignité de son peuple.
Elle prêche le retour aux rites Diola, la fierté des ancêtres, le refus de l’impôt et de la conscription. Sa résistance n’est pas armée : elle passe par la prière, le verbe et le courage féminin. Les autorités coloniales, inquiètes de son influence, la surnomment « la prophétesse de Kabrousse » et la comparent à Jeanne d’Arc.

✧ Celle qui parlait à la mer
Les anciens de Kabrousse racontent qu’Aline allait méditer sur la plage, face à l’Atlantique. Elle y priait longuement, debout, les pieds dans le sable. On disait qu’elle « parlait à la mer » : non par superstition, mais parce qu’elle écoutait le vivant, le mouvement des vagues comme la voix des ancêtres. Dans la tradition Diola, l’eau est mémoire, souffle et guérison : c’est là qu’Aline puisait la force de résister sans haine.
✧ L’exil et le silence
Son influence s’étend et alarme l’administration. En 1943, elle est arrêtée à Ziguinchor, accusée d’incitation à la rébellion, puis déportée à Tombouctou (Mali). Détenue dans des conditions dures, elle meurt en 1944, à environ 24 ans. Aucune tombe n’est identifiée, mais sa mémoire traverse les frontières et les décennies.

✧ Héritage vivant
Aujourd’hui, le Sénégal honore Aline Sitoé Diatta : Université Aline Sitoé Diatta de Ziguinchor, navire reliant Dakar à Ziguinchor, écoles et rues portent son nom. Elle incarne une résistance douce, la force féminine africaine et une spiritualité enracinée.
« Prends soin de ta terre, elle te nourrira. Honore ton peuple, il te libérera. »
✧ Pour aller plus loin
- F. Diatta, Aline Sitoé Diatta, l’héroïne de la Casamance, Nouvelles Éditions Africaines, 1980.
- Archives nationales du Sénégal, fonds « Casamance 1939–1944 ».
- Boubacar Boris Diop, Les héros de la Casamance, 2004.
- UNESCO, Dictionnaire des femmes noires célèbres d’Afrique de l’Ouest, 2015.
- Programme “Mémoire de la Casamance”, Ministère de la Culture du Sénégal, 2017 (témoignages oraux à Kabrousse).